samedi 20 mars 2021

Appelons un chat, un chat.


 

CLIENT



Mon père était généraliste dans les années 60-70. Il était celui qu'on appelait alors le médecin de famille.  Disponible 24h sur 24, 6 jours sur 7 (avec un dimanche de garde par mois), il soignait tout le monde, du nourrisson au grand-père âgé. Il était accueilli dans leurs foyers, connaissait leurs habitudes, recevait leurs confidences, voyait grandir leurs enfants. Tant qu'il ne l'avait pas examiné, il considérait chaque malade comme une urgence potentielle, n'hésitant pas, sur un simple appel, à se tirer du sommeil ou à sauter un repas pour se rendre à son chevet. Mon père n'était pas un saint, il exerçait simplement son métier du mieux qu'il pouvait. Nous vivions, certes confortablement, mais si l'on ramenait le prix de la consultation au taux horaire, ce n'était pas cher payé. Car mon père ne comptait pas ses heures. Pourtant, ces gens auprès de qui il a passé plus de temps qu'auprès de sa propre famille et qu'il chérissait au point d'immortaliser leur histoire dans un recueil de nouvelles, il n'avait pas honte de les appeler ses clients. 

Aujourd'hui, il n'est plus là et ma mère a dû se résigner à 90ans à se trouver un généraliste. Elle s'étonne du manque d'empathie du médecin, qui, les yeux rivés à son écran, ne prend pas la peine de répondre à ses questions et n'attend pas qu'elle ait reboutonné sa veste avant d'ouvrir la porte du cabinet en lui tendant la main. Il a pourtant inséré sa carte bleue dans son appareil, mais aujourd'hui ma mère n'est plus une cliente, c'est une patiente. 


                                                                   ***



J'ai passé quarante ans à Air France. Que ce soit à l'enregistrement, à l'embarquement ou à bord, le rôle du personnel, pourtant appelé commercial, était d'assurer le bon déroulement du voyage de ceux que nous nommions à juste titre nos passagers. Au comptoir vente où j'ai passé mes dernières années de service, nous comptabilisions le nombre de billets vendus, faisions le total de nos recettes, bien conscients de la valeur marchande de ceux que nous appelions également nos passagers. Il y avait à travers ce mot, une sorte de lien affectif entre eux et nous. Et puis un jour, notre direction nous a imposé de les appeler nos clients...


                                                                ***




samedi 25 juillet 2020

Histoires d'espoir



    CONFINEMENT


















 Le soleil déclinait, faisant rougeoyer le ciel au-dessus des toits de Paris, un Paris aux rues désertes, dont l’absence de voitures commençait à rendre l’air respirable. Respirer ! C’était un mot presque tabou en ce mois d’avril 2020 où sous peine de mourir étouffé à l’hôpital, on suffoquait derrière des masques de fortune. Privés des senteurs printanières retrouvées, les Parisiens consignés chez eux faisaient contre mauvaise fortune bon cœur. Ils avaient réinventé les jeux de leur enfance et le fait maison de leurs grand-mères. La tension montait parfois dans les logements exigus où il fallait jouer tour à tour, le rôle d’enseignant, de nounou, de parent attentionné et d’employé motivé. Une seule issue : la fenêtre avec parfois un balcon, au mieux une terrasse. La tendance s’était inversée en cette période de confinement. La cote des pavillons de banlieues était montée en flèche. Vivre à la campagne était devenu un luxe.
Vingt heures. Une salve d’applaudissements retentit. Elle résonnait de fenêtre en fenêtre, et se répandait dans la France entière, tout comme ce virus meurtrier qui faisait si peur. On frappait dans ses mains, sur des casseroles, on criait, on sifflait, certains en profitaient pour exercer leurs talents de musicien ou de chanteur. On saluait les soignants, ceux qui risquaient leur vie pour en sauver d’autres, la nôtre peut-être un jour… Une euphorie de trois minutes, un rendez-vous quotidien après lequel chacun allait rentrer chez soi.

 Juchée sur les épaules de mon père, je fis coucou à la petite fille que j’apercevais tous les soirs dans l’immeuble en face. Elle devait avoir à peu près mon âge.
—Papa, tu crois qu’on pourra l’inviter pour mon anniversaire ?
—Louise, ma chérie, je t’ai déjà expliqué qu’on fêterait tes six ans un peu plus tard, quand le confinement serait terminé. En attendant, pour le jour de ton anniversaire, on va faire un beau gâteau et on soufflera tes bougies tous les quatre.
—Mais c’est quand la fin du confinement ?
Tous les soirs, après les applaudissements, papa et maman mettaient face time sur la télé et on communiquait avec Papi et Mamie. Téo, mon petit frère, faisait le clown et tout le monde riait. Moi, ça me rendait triste. J’avais envie de les voir en vrai, de me serrer contre Mamie et de lui faire des bisous, de sentir son odeur de poudre sur les joues. J’aurais voulu sauter sur les genoux de papi pour l’écouter me raconter des histoires. Avant, on allait tout le temps chez eux, le mercredi ils m’emmenaient au poney. Depuis le coronavirus, on n’avait plus le droit. On nous avait dit que c’était très dangereux de voir ses grands-parents. 
J’en avais trop marre de ce virus. On avait bien rigolé avec Emma quand la maîtresse nous avait expliqué que des Chinois avaient mangé des chauves-souris et que c’était à cause de ça qu’ils étaient malades. On avait dit « beuuurk, nous ça ne risque pas de nous arriver ». Je n’aimais pas manger les animaux. J’aurais voulu être végétarienne comme ma tata Lily, mais mes parents n’étaient pas d’accord. Ils disaient que la viande ça donnait des forces. Ça me semblait bizarre : ma Tata, elle était super forte pourtant, puisqu’elle défendait les femmes. Mais j’obéissais et avalais mon steak haché enfoui sous une tonne de ketchup.  La maîtresse nous avait grondées. Elle nous avait dit que ce n’était pas drôle du tout. Le coronavirus était une maladie très très grave, qu’on pouvait attraper même si on n’avait pas mangé de chauve-souris, juste en se la repassant, comme la gastro. Et qu’il y en avait partout dans le monde parce que des gens avaient été en Chine et l’avaient ramené dans l’avion.
—Les enfants allez mettre votre pyjama maintenant, mais avant, n’oubliez pas de vous laver les mains.
—Encore !
On se lavait tout le temps les mains. Il fallait frotter avec le savon et compter jusqu’à vingt pour faire partir les microbes.
Quand le président de la république avait annoncé que tout le monde devrait rester à la maison et qu’il n’y aurait plus d’école, on avait pris ça pour des vacances. On s’était complètement trompés. Maman avait remplacé la maitresse et pas question de veiller le soir. Sur le frigo, elle avait affiché un planning pour chacun de nous. Sous forme de dessins pour Téo et moi qui ne savions pas lire. Papa et maman faisaient tous les deux du télétravail. J’avais souvent vu papa travailler chez nous sur son ordinateur le soir et des fois le week-end. Je savais qu’il ne fallait pas le déranger. Cette fois c’était plus compliqué parce qu’ils devaient travailler tous les deux et s’occuper de nous en même temps. Il fallait beaucoup d’organisation. On avait des codes. Ne pas faire de bruit quand ils étaient au téléphone. Téo, à trois ans ne comprenait pas toujours et ils étaient souvent obligés d’aller s’enfermer sur le balcon pour être tranquilles.
C’était l’heure d’aller se coucher et Téo faisait la comédie pour que maman vienne lui lire une histoire. Je lui expliquai :
—Ce soir, c’est le tour de papa. Maman a joué avec nous cet après-midi, maintenant elle doit travailler.
Il se calma et se glissa sous mes draps avec son doudou tout mouillé de larmes et de salive. Papa s’assit sur le bord du lit et commença la lecture du livre qu’on avait choisi. C’était vrai qu’il ne savait pas trop mettre le ton quand il lisait, mais j’aimais bien qu’il soit près de nous. Avant ça n’arrivait jamais, il rentrait toujours trop tard ou bien il était trop fatigué. Depuis qu’on était tous à la maison, je me rendais compte que maman avait autant de travail que lui et qu’elle devait être fatiguée, elle aussi, le soir. D’ailleurs, tout avait changé. Papa s’était mis à la cuisine et il faisait de trop bons gâteaux. Téo s’endormit en suçant son pouce. Papa le porta dans son lit sans le réveiller, puis il sortit en laissant la porte entrebâillée. Je n’aimais pas le noir complet. Mais je voulais surtout permettre à Dolly, notre chatte, de venir me retrouver. Dès que papa fut sorti, elle se faufila par l’ouverture et sauta sur mon lit en ronronnant. J’aimais sentir son poids sur mes pieds. Quelquefois pour m’amuser, je remuais les doigts de pieds et elle essayait de les attraper. Je sentais ses petites dents à travers la couette et ça me faisait rire. Cette fois, elle vint se réfugier entre mes bras et je posai ma tête sur la petite boule de fourrure. Elle, elle s’en fichait pas mal du confinement. De toute façon, elle n’avait jamais le droit de sortir. Même pas sur le balcon parce qu’elle allait vouloir attraper les pigeons, et même si on disait que les chats retombaient toujours sur leurs pattes, elle pouvait se tuer si elle loupait son coup. La pauvre ! On était au dernier étage et je suis sure qu’elle aurait bien aimé aller se promener sur les toits la nuit comme les Aristochats. Au début du confinement, les gens ont eu tellement peur de manquer, qu’ils se sont précipités dans les magasins et ont tout pris. Quand on est allés faire les courses, les rayons étaient vides. On n’avait plus de papier toilette et comme on ne pouvait pas s’essuyer, on était obligés d’aller à la douche quand on avait fait caca. Mais le problème, c’est qu’il n’y avait plus rien non plus pour mettre dans la litière de Dolly. Elle allait quand-même dedans et quand elle voulait recouvrir avec sa patte, elle grattait dans le vide. Ça nous avait bien fait rire avec Téo. Maman, elle, ne rigolait pas du tout parce qu’il y avait des traces de pattes pleines de pipi de chat partout.
Le matin, papa et maman se levaient toujours avant nous pour travailler et c’était moi qui devais m’occuper du petit déjeuner de Téo. J’ouvris le frigo et sortis le lait. Je savais qu’il allait encore râler parce qu’il n’y avait pas ses céréales préférées. Il ne comprenait pas qu’on ne puisse plus faire les courses comme avant. On faisait une commande sur internet une fois par semaine et on se faisait livrer. Il n’y avait pas toujours ce qu’on avait demandé et souvent il fallait attendre une semaine de plus. Je lui donnai un des cookies qu’on avait faits avec papa et il partit avec devant la télé. Le matin, pendant que maman était au téléphone dans sa chambre, on avait le droit de regarder les dessins animés à la télé. Puis, on allait s’habiller et on se mettait au travail sur la table de la salle à manger. Maman me faisait faire de l’écriture et m’apprenait à reconnaître des mots. J’en connaissais déjà plein et je savais aussi lire coronavirus et restez chez vous, parce que je les voyais tout le temps à la télé. Pendant ce temps, Téo faisait du coloriage ou du découpage. C’était bien, mais la récré et mes copines me manquaient. On s’appelait souvent sur WhatsApp mais j’avais surtout envie de jouer avec elles.
Ce soir-là, j’appelai Dolly pour lui donner sa pâtée mais elle ne vint pas. D’habitude, il me suffisait de taper sur le bord de la boîte avec une cuiller pour la voir accourir. Je m’inquiétai. On la chercha partout. Sous les lits, dans les placards. Pas de Dolly.  Maman demanda à papa :
—Tu as bien refermé la fenêtre derrière toi quand tu es sorti sur le balcon ?
—Je ne me souviens plus. J’avais une conf call avec mon boss, je n’ai pas fait attention.
—Mais enfin, Arnaud, tu aurais pu y penser quand-même !
—Elle doit être cachée dans un coin de l’appartement. Elle ne s’est pas envolée !
Maman sortit sur le balcon et pencha la tête au-dessus de la rambarde. Quelque fois papa nous laissait nous approcher en nous tenant pour qu’on regarde dans la rue. Téo adorait voir les voitures toutes petites d’en haut. Moi je n’aimais pas ça, ça me donnait le vertige. Elle appela :
—Dolly ! Dolly ! Si elle est partie par les toits, on n’est pas près de la revoir.
Je me mis à pleurer.
—Elle va revenir, hein, papa ?
—Mais, oui, ma puce. Ne t’inquiète pas. Si elle est partie elle saura bien retrouver son chemin.
Maman était très en colère contre papa et ce fut elle qui vint nous coucher. Elle lut une histoire à Téo, mais moi je n’avais pas le cœur à ça. J’avais trop de peine. Et puis je ne pouvais pas m’endormir sans ma petite Dolly.
Les jours passèrent sans que Dolly revienne. Maman avait rangé sa litière et jeté la pâtée du frigo. Moi, j’avais une boule dans la gorge qui ne passait pas. J’en voulais un peu à papa de l’avoir laissé partir. Je me demandais ce qu’elle était devenue. Est-ce qu’elle avait rencontré une bande de chats et qu’elle courait sur les toits la nuit, ou est-ce qu’elle nous attendait au parc où nous la retrouverions après le confinement ? Il faisait très beau. Maintenant qu’elle n’était plus là, papa laissait la porte-fenêtre ouverte et nous allions souvent le rejoindre sur le balcon. A présent, je me moquais bien de mon vertige et j’acceptais que papa me soulève pour regarder en bas. J’avais toujours l’idée de la retrouver. Un jour, je poussai un cri en montrant du doigt :
— Papa regarde, elle est là ! C’est Dolly ! Là, sur le balcon en dessous !
—Quel balcon ? Tu es sûre que tu ne te trompes pas ?
—Papaaa ! C’est elle, je te dis !
—Oh mais tu as raison !
Je trépignai :
—On va la chercher, on va la chercher !
—Attends, il faut que je calcule de quel appartement il s’agit. Je ne connais personne dans l’immeuble, moi. Et puis en période de confinement, on ne peut pas aller chez les gens comme ça…
—Ils ont volé notre chat. On peut appeler la police, sinon ?
—Non, ma chérie. On n’appelle pas la police pour ça.
—Qu’est-ce qu’on va faire alors ?
Je sentais mes larmes couler. Il fallait qu’on la récupère, maintenant qu’on savait où elle était.
Papa avait compté les balcons et avait repéré l’appartement. Nous mîmes chacun un masque et des gants et nous allâmes sonner. Une petite voix nous répondit derrière la porte.
—Qui est-ce ?
Papa me fit signe de répondre.
 —Je m’appelle Louise. J’ai six ans et j’habite dans votre immeuble. J’ai perdu ma chatte il y a quelques jours et je viens de la voir sur votre balcon. Je viens la chercher. Vous pouvez m’ouvrir. Je ne vous donnerai pas le coronavirus. J’ai mis un masque et des gants.
On entendit le bruit du verrou et une tête passa dans l’entrebâillement de la porte. C’était une vieille dame aux cheveux blancs et à l’air tout doux.
—Je l’aimais bien votre chatte. Je l’avais appelée Minette. Je crois qu’elle était bien avec moi. Elle me tenait compagnie…
Je pensai à grand-mère, la maman de papi, qui était toute seule dans sa maison de retraite et qu’on ne pouvait plus aller voir. Maintenant qu’on l’avait retrouvée, je n’étais plus aussi pressée de récupérer Dolly. Je lui répondis :
—Si vous voulez, je vous la prête. Je viendrai la reprendre à la fin du confinement.
—Oh, comme tu es mignonne !
Je vis une larme couler entre ses rides et j’eus envie de pleurer, moi-aussi. Papa lui demanda :
—Comment vous débrouillez-vous pour faire vos courses ?
—C’est gentil de vous en préoccuper. Une dame passe toutes les semaines et me dépose ce qu’il me faut devant ma porte.
On remonta à la maison, sans Dolly mais avec le numéro de téléphone de la vieille dame. Maman étonnée de nous voir revenir bredouille, nous demanda :
—Alors ?
Papa répondit :
—Je crois que nous aurons tous beaucoup appris de ce confinement.

FIN


Comme son nom l'indique, cette nouvelle a été écrite pendant le confinement, afin d'intégrer un recueil numérique dans lequel Librinova  a réuni 20 auteurs.
La totalité des bénéfices est reversée à la Fondation de France.

Si vous voulez découvrir les autres nouvelles et mettre, vous aussi, votre  petit caillou à l'édifice, ce recueil est toujours disponible sur toutes les plateformes numériques.

Histoires d'espoir, format epub

Histoires d'espoir format kindle





dimanche 12 juillet 2020

Nouvelle parue dans Nice Matin le 11juillet 2020

Illustration Sylvie T


Mon ami d’enfance venait de nous quitter après une longue maladie. Il était célibataire et sans enfants et sachant sa fin proche, il avait rédigé un testament répartissant ses biens auprès des personnes qui lui étaient chères. Son frère hérita de l’appartement avenue Borriglione et contre toute attente, ce fut moi qui écopai du pointu. Bien qu’ayant grandi sur les collines de Cimiez desquelles on apercevait la grande bleue, j’étais une piètre nageuse et si j’aimais me tremper dans son eau transparente, je n’étais pas vraiment à l’aise dessus.
J’avais appris que le bateau avait son emplacement au Cros de Cagnes où, par le plus grand des hasards, je vivais depuis peu. Je fus très affectée par la disparition de Charlie avec qui un pan de ma jeunesse s’était envolé, et je tardai à m’occuper de cet héritage insolite. Le port m’avait informée qu’une coquette somme allait désormais grever mon budget tous les mois. Lou Pounchut était un cadeau empoisonné, mais c’était mon dernier lien avec celui qui jadis partagea mes bancs d’école et je ne pouvais me résoudre à m’en séparer. Je décidai finalement de passer le permis côtier. Je sortais d’un divorce difficile, mes enfants avaient quitté le nid. J’avais des envies d’émancipation. Naviguer seule au milieu des flots, fut-ce sur un petit bateau à moteur, me parut un beau défi pour commencer. Cerise sur le gâteau, le comité d’entreprise de la société qui m’employait proposait des tarifs préférentiels. Je m’achetai le code Vagnon et ainsi que j’avais vu faire mes enfants quelques années auparavant pour le permis de conduire, je téléchargeai toutes les applications proposant des tests. Je passai des soirées entières à m’entrainer, parfois jusque tard dans la nuit et je pus ainsi franchir la porte du bâtiment des affaires maritimes le sourire aux lèvres. Aucune balise, aucun vent contraire ou feu clignotant ne m’échapperait. En effet, alors que je voyais d’autres candidats transpirer sur leur QCM, je réussis haut-la-main cette première étape. Je pouvais déjà préparer ma casquette de marin.
Je garai ma voiture sur le parking du port Vauban et me dirigeai vers l’emplacement que m’avait indiqué mon formateur dans son email. Il était six heures du matin. Jamais je n’avais vu le port d’Antibes aussi calme. Seuls les clapotis de l’eau caressant la coque des bateaux, et le cliquetis des mats venaient troubler son silence. Le contrôle continu avait récemment remplacé l’examen des épreuves pratiques. Cela convenait bien à mon tempérament émotif, mais nécessitait une vraie relation de confiance avec mon instructeur qui se présenta sous le prénom de Maxime. Après m’avoir fait récapituler le vocabulaire maritime, il démarra.
Tandis qu’il manœuvrait pour quitter la place et que nous nous dirigions vers la sortie du port, je passais mentalement en revue ce je que j’avais appris, tentant de me souvenir de quel côté il faudrait passer si l’on rencontrait, par exemple, une cardinale ouest. Il interrompit mes pensées :
—A toi, maintenant !
Je le rejoignis à l’arrière et saisis la barre qu’il me désignait. A ce moment-là, je compris que malgré mon grand succès aux épreuves théoriques, j’étais loin de savoir gouverner un bateau. Il commença par m’apprendre à m’arrêter. Ce qui effectivement me semblait le B.A. BA. Mais lorsqu’il tenta de m’expliquer qu’il fallait pour cela passer la marche arrière afin de casser l’erre, cela se compliqua. Le terme était pour moi aussi abstrait que la manœuvre qu’il représentait. En voiture, il suffisait d’appuyer sur une pédale pour freiner ! Devant mon désarroi, il sourit et me rassura :
—Ne t’en fais pas, ça viendra.
Je ne demandais qu’à le croire… Pour avancer, c’était simple. Je partis donc tout droit. Sur la gauche, on apercevait Marina baie des anges et derrière, le port de Saint-Laurent du var. Plus loin, on devinait Saint-Jean Cap Férat. Devant l’horizon qui s’étendait à l’infini, un intense sentiment de liberté s’empara de moi. Maxime me fit virer à droite et nous entrâmes dans la baie d’Antibes. Le ciel, encore teinté de rose, irisait la mer de son reflet. Un gabian passa au-dessus de nos têtes en poussant un cri. Il n’y avait pas la moindre houle et j’aimais cette sensation de glisser sur l’eau.
Max avait raison. A force de persévérance, je finis par accomplir toutes les manœuvres sans son aide et parvins à secourir le fameux homme à la mer.
Une semaine plus tard, le précieux sésame m’attendait dans ma boîte aux lettres. Ce jour-là, il pleuvait et la mer, très agitée, était aussi grise que le ciel. Ici, personne ne sortait par un temps pareil, surtout pas moi, mais je voulus immortaliser l’évènement. Je posai à la barre de mon pointu, mon portable d’une main et mon permis tout neuf de l’autre. Ma photo partit aussitôt sur les réseaux sociaux. J’étais fière de moi mais je voulais surtout faire taire les clichés : sur la côte, les femmes ne naviguaient pas toutes allongées sur le pont d’un yacht.
S’il avait conservé sa jolie couleur bleue, caractéristique des barques de pêche niçoises traditionnelles, l’auvent dont l’avait équipé Charles donnait à son bateau une allure plus moderne, et le mécanicien que je fis venir pour la révision fut étonné de constater la puissance de son moteur. Je lui demandai si avec mon pointu, je pouvais aller jusqu’aux îles de Lérins, but ultime de tout plaisancier local.
—Sans problème ! Me répondit-il. Avec ses huit mètres de long, il est aussi fiable que n’importe quel autre bateau. En plus, ces barques ont été conçues pour la méditerranée. Leur forme a été étudiée pour affronter les vagues courtes et croisées que nous avons ici, et pour défier les tempêtes. Méfiez-vous seulement en sortant du cap d’Antibes, quand vous verrez la mer bouillonner. C’est un passage qu’on appelle le chaudron. Il vaut mieux essayer de le contourner. Ce n’est pas vraiment dangereux mais c’est impressionnant quand on n’a pas l’habitude.
Après m’être délestée une nouvelle fois de quelques centaines d’euros, je le remerciai. J’étais ravie d’apprendre que mon bateau pourrait affronter les tempêtes mais je ne lui en donnerais pas l’occasion. Ici on n’était pas en Bretagne et en cas de mauvais temps, il resterait au port.
Mon jour de repos suivant, le ciel était bleu et le soleil radieux. Le temps était venu pour moi de mettre en pratique mes nouvelles compétences et de profiter de ma récente acquisition. Consciencieusement, je fis la check-list : gilet et bouée de sauvetage, fusées de détresse, extincteur, mon portable chargé à bloc posé devant moi en cas d’urgence. Tout y était. Malgré les contractions de mon abdomen et le léger tremblement de mes mains lorsque je mis la clé dans le démarreur, j’étais prête.
En quittant le petit port du Cros, je croisai le regard étonné d’un homme en salopette de marin qui rentrait, des poissons jonchant sa cale. Remplie de fierté, je lui fis un signe de la main. C’était l’un des derniers pêcheurs cagnois chez qui j’allais régulièrement me fournir à la halle. Je partis vers le large, et mis le cap sur le phare de Nice. A l’endroit où le var déversait ses eaux boueuses, gonflées par les pluies tardives de printemps, la mer changeait de couleur et son bleu turquoise prenait des teintes verdâtres. Un bruit assourdissant me fit lever la tête. Un avion me survolait de si près que je vis son train d’atterrissage sortir. Impressionnée, je le regardai raser l’eau avant de poser ses roues sur la piste. Je m’en écartai et enfin, la baie des anges m’apparut.
 Je longeai la Prom’ en prenant bien soin de ne pas m’approcher à moins de trois-cent mètres du littoral. Je dépassai le Negresco, puis le jardin Albert Premier.
C’était magique de découvrir sous un angle nouveau cet endroit que j’avais parcouru des milliers de fois. Quand j’atteignis Rauba capeu, je décidai de poursuivre ma route vers Villefranche-sur-Mer. J’accélérai. Le vent caressait mon visage, les embruns laissaient sur mes lèvres un goût salé. J’étais grisée. Soudain, je me raidis : à travers l’eau transparente, j’avais aperçu la pointe d’un rocher. Je ralentis aussitôt et m’éloignai du bord. Le Mont Boron se dressait devant moi, révélant ses magnifiques villas invisibles de la route. J’entrai dans la rade de Villefranche. Les bougainvilliers étalaient leur splendeur en parsemant de rouge, de fuchsia et de violet les façades des maisons qui se détachaient sur le ciel d’azur. J’aurais pu me croire au paradis sans l’énorme paquebot stationné à la sortie de la baie. Refusant de me laisser perturber par le ronronnement de son groupe électrogène et le ballet incessant des navettes transportant ses occupants, je déroulai mon ancre, accrochai l’échelle et me plongeai avec délice dans l’eau encore un peu fraîche de ce mois de juin.
L’été battait son plein. Je n’avais plus mis un pied sur une plage. Mon lieu de prédilection était devenu le cap d’Antibes où je venais mouiller en toute tranquillité, parfois en compagnie d’amis avec qui nous partagions un verre à la tombée de la nuit. J’adorais me trouver sur l’eau juste avant que le soleil se couche, quand la lumière devenue plus douce ravivait les couleurs du paysage qui m’entourait.
Puis un jour, je décidai de sauter le pas. La mer était d’huile et je sentais déjà le soleil me brûler les épaules. Une belle journée estivale s’annonçait. Je parcourus le trajet sans encombre et quarante-cinq minutes après avoir quitté le Cros, les îles sœurs apparurent devant moi. Je me frayai un passage entre les nombreux bateaux au mouillage et jetai l’ancre le plus près possible de Sainte-Marguerite, dans une anse où j’étais souvent venue me baigner. Ne pas avoir à marcher avec le pique-nique sur le dos me parut un luxe extraordinaire. C’était un dimanche d’Août et les familles étaient au rendez-vous. Entre les enfants qui barbotaient sur la plage et ceux qui sautaient des bateaux, l’ambiance ressemblait davantage à celle d’Aqualand qu’à celle de Robinson Crusoë. Je ne boudai cependant pas mon plaisir de nager dans l’eau translucide et en m’éloignant un peu, je trouvai la quiétude que j’étais venue chercher. Vers dix-sept-heures, les premiers bateaux commencèrent à plier bagages. Allongée sur le pont, la tête calée sur un coussin, je me réjouissais de les voir partir les uns après les autres. J’avais prévu de rentrer au crépuscule et j’allais pouvoir profiter de ma soirée au calme. Je me laissai bercer par le roulis, mes yeux suivant les oscillations des mats. Je m’assoupis. Un courant d’air frais me fit frissonner. Le soleil était caché. Je levai la tête et vis de gros nuages noirs. Autour de moi, plus un plaisancier. Je me précipitai sur mon portable pour consulter la météo. Pas de réseau. Mon cœur s’affola dans ma poitrine. Pourquoi n’avais-je pas regardé plus tôt ? Le bateau bougeait de plus en plus et la mer devenait houleuse. Un éclair zébra le ciel. La première goutte vint s’écraser sur ma joue au moment où je démarrais, paniquée à l’idée de me retrouver dans une tempête. Rapidement, des creux se formèrent et un rideau de pluie s’abattit sur moi. Je voyais les vagues arriver et se fracasser sur la coque, m’inondant au passage. Je me cramponnai à la barre, trempée, oubliant tout ce que j’avais appris, me laissant guider par mon instinct. Je tremblais autant de peur que de froid. Je m’en voulais tant de cet orgueil qui m’avait fait croire que je pouvais m’en sortir seule. Je me retenais de ne pas hurler, en proie à une terrible angoisse. J’allais périr en mer et personne ne le saurait. La prudence me fit renoncer à rentrer à Cagnes et me dirigea vers la terre la plus proche. Je parvins à m’amarrer à Cannes où la capitainerie m’autorisa à laisser mon pointu jusqu’au lendemain. J’étais transie, mais tellement soulagée ! J’avais réussi.

Qui a dit que naviguer sur la méditerranée c’était tranquille ?


Copyright Sylvie T



lundi 3 juin 2019

Elle est étrange ma vie de romancière :





Elle est étrange ma vie de romancière :

Que l’on s’enferme dans un café au milieu du brouhaha ou qu’on préfère comme moi rester dans un lieu calme, même entourés, quand on écrit on est seul. On vit dans notre tête avec des personnages que personne d’autre que nous ne connait : ceux qu’on invente. La plupart du temps, quand je quitte les miens, c’est pour retrouver dans mes lectures ceux d’autres écrivains, tout aussi irréels. Je n’écoute pas la télévision (à part La grande librairie). Je passe plus de temps avec mes amis virtuels sur les réseaux sociaux qu’avec mes amis de chair et d’os. Depuis cinq ans, je vis un peu en dehors du monde réel.

La réalité m’a rattrapée brusquement avec le festival du livre de Nice en me sortant de l’ombre pour me faire partager l’affiche avec, outre les auteurs, des personnes renommées du show biz et de la politique. Non pas que cela m’ait impressionnée de les côtoyer car cela a été le cas pendant toute ma carrière, mais alors, en enfilant mon uniforme je troquais mon identité contre celle d’Air France. Me retrouver derrière un comptoir face au public comme je l’avais fait pendant plus de 20ans avec cette fois mon nom posé dessus et un badge « auteur » autour du cou m’a semblé très étrange. J’avais l’impression de jouer un rôle qui n’était pas le mien. Pourtant, ma joie n’était pas feinte et le sourire qui l’exprimait n’avait rien de commercial, mais bizarrement, voir défiler devant moi pêle-mêle des futurs lecteurs enthousiastes et d’autres venus me dire combien ils avaient aimé La compagnie des livres, d’anciens collègues, des personnes rencontrées sur les réseaux sociaux, des amis (vrais ceux-là pour le coup) a semé la confusion dans mon esprit et à un moment j’ai cru perdre pied, ne parvenant plus discerner le vrai du faux. 
























Elle est merveilleuse ma vie de romancière :

Ce moment de flottement n’a pas duré longtemps. Je me suis vite reconnue dans ma nouvelle peau : celle de Pascale Rault-Delmas auteure, celle dans laquelle je me sens si bien. Il est vrai que la transition entre la solitude extrême pendant les périodes d’écriture et le bain de foule dans lequel on se retrouve plongés pendant les salons est brutale mais les deux sont pour moi des moments de bonheur.


lundi 4 février 2019

Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous...


La Compagnie des livres

J'avais décidé que le nom de la librairie qui allait être le pilier de mon roman serait également son titre. Après avoir longuement réfléchi, j'ai finalement arrêté mon choix sur La Compagnie des livres qui me semblait particulièrement bien illustrer la passion des mes héros.
J'ignorais que quelque part en Normandie, une enseigne de librairie affichait depuis plus de dix ans, ce nom que je pensais sorti tout droit de mon imagination...
Heureusement, à la parution de mon livre, la libraire ne m'a pas tenu rigueur de cette usurpation, bien au contraire. Par chance, elle avait aimé mon histoire et conseillait le roman à ses lecteurs.
A l'occasion du 15e anniversaire de sa librairie, elle m'a invitée à venir les rencontrer à Vernon...

Rencontre avec mes lecteurs à La Compagnie des livres le 25 janvier 2019
  
 Le samedi précédent ma venue, c'était la nuit de la lecture et à cette occasion, Vernon recevait Caroline Laurent pour parler de son roman co-écrit avec Evelyne Pisier "Et soudain la liberté". Amusante coïncidence, car deux ans auparavant, Caroline, alors éditrice aux éditions Les Escales, avait été intéressée par mon manuscrit et m'avait reçue pour en parler. C'était ma première rencontre avec une éditrice et j'en gardais un souvenir ému. Nathalie, la libraire de La compagnie des livres, mise dans la confidence, nous a offert nos ouvrages réciproques et a servi d’intermédiaire pour que nous puissions nous les dédicacer. 
C'est ainsi que j'ai découvert ce merveilleux roman dont j'ignorais encore l'émouvante histoire.


 Et soudain, la liberté                                                                                                                        







L'origine de ce roman, c'est avant tout un rendez-vous, une rencontre, une osmose entre deux personnes, une amitié foudroyante. En confiant son manuscrit à Caroline Laurent, jeune éditrice âgée alors de 28 ans, Evelyne Pisier, une femme de 75 ans restée dans l'ombre malgré un passé  extrêmement riche, lui a ouvert les portes de son cœur. La relation entre les deux femmes a très vite abouti à une profonde amitié et tous les ingrédients étaient réunis pour transformer les confidences autobiographiques qu'Evelyne avait couchées sur le papier en un magnifique roman à quatre mains. C'était sans compter sur la cruauté de la vie. Evelyne Pisier a été emportée brutalement par la maladie, laissant son éditrice et amie avec le roman inachevé et la promesse de le terminer sans elle.
Caroline Laurent a formidablement bien tenu sa parole et ce livre est d'autant plus émouvant qu'elle en a fait un double roman. Parallèlement à l'histoire passionnante, légèrement romancée d'Evelyne et de sa mère, rebaptisées Lucie et Mona Desforêt dans le texte, Caroline nous fait partager l'avancement de l'écriture de ce livre avec ses doutes, ses découragements et ses joies. Des thèmes très forts sont abordés dans ce roman: patriarcat, racisme, homophobie, colonisation autant de situations vécues par Evelyne Pisier qui eut également une liaison amoureuse avec Fidel Castro.
Ce livre m'a vraiment emportée et je souhaitais partager mon enthousiasme.

Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous. J'ai rencontré Caroline le 7 novembre 2016. Deux mois à peine après sa merveilleuse rencontre avec Evelyne. Ce jour-là, la magie n'a pas opéré entre nous. Et puis il y a eu Vernon et cet échange de dédicaces. Il y a eu ce livre, qui m'a tant touchée et m'a fait découvrir la belle personne qui se cachait derrière la jeune éditrice qui avait raturé mon manuscrit. Je n'avais pas compris alors, qu'elle avait déjà "mis les mains dans le cambouis", selon son expression.

J'espère que le hasard nous donnera à nouveau rendez-vous.








mardi 2 janvier 2018

Cette nouvelle année qui commence, j'aimerais la dédier à l'amour.


Cette nouvelle année qui commence, j'aimerais la dédier à l'amour.

 Je vais demander à ceux que je sens ricaner et lever les yeux au ciel en se disant"quelle nunuche, celle-là", de bien vouloir quitter ma page discrètement, mon message ne les concerne pas.
A l'appellation condescendante de "bisounours", qui m'est donnée de manière récurrente, je préférerais celle de "cœur sur pattes", car les bisous ne sont pas à, mon sens, un gage d'amour. Je précise que l'amour auquel je fais référence, ne se borne pas à la passion, née de phéromones ou autres hormones du désir, qui, lorsqu'elle est partagée, nous renvoie, tel le miroir de Narcisse, notre propre image à travers les yeux de celui qui nous aime. L'amour, dont je voudrais vous parler, est celui qui nous brise le cœur quand l'autre a de la peine et nous remplit de bonheur quand on le voit heureux. L'autre, c'est n'importe qui, un inconnu, un voisin, un ami, un chat, un éléphant,un être vivant. Mon but n'est aucunement d'être moralisatrice. Comme bon nombre de mes contemporains qui ont reçu, comme moi, une éducation chrétienne, j'ai été assénée d' "aime-ton prochain comme toi-même", par des personnes qui n'étaient pas elles-mêmes en odeur de sainteté. Comment, en effet, accorder du crédit à ces paroles, lorsqu'elles sont prononcées par un prêtre( ce fut mon cas) dont les sermons du dimanche consistent à humilier ses paroissiens en public. Pourtant, cette phrase, si on l'exclut du contexte des dix commandements de la bible, est la définition même de l'empathie, ce mot à la mode, qui, au même titre que bienveillance, est souvent employé, mais rarement appliqué. L'amour, dont je vous parle, c'est aussi la tolérance, l'acceptation des différences, qu'elles soient physiques, mentales ou culturelles, sans jugement. Aimer l'autre c'est avant tout le respecter.

Alors, vous me suivez? 2018, année de l'amour?

lundi 1 mai 2017

Premier Mai



Pendant près de trente ans, le premier mai a été pour moi un jour travaillé comme les autres, dont la seule particularité était son côté lucratif. A une époque, révolue depuis longtemps, la direction gratifiait chaque employée présente ce jour là, d'un brin de muguet (Mais au fait, pourquoi seulement les femmes?). S'il m'est arrivé de recevoir de la part d'un passager attentionné le fameux porte-bonheur, jamais mon compagnon n'a cédé à la tradition et chaque premier mai, j'ai espéré en vain les petites clochettes blanches.

Ce matin, en allant faire mon footing à Cagnes sur mer, je pensais croiser des vendeurs à la sauvette et j'ai eu la surprise de n'en rencontrer aucun. Était-ce la pluie, tombée au petit matin, qui les avait découragés ou serait-ce interdit à présent? J'ai gardé le souvenir de ces ballades en forêt où nous allions cueillir le muguet du premier mai pour nous faire un peu d'argent de poche. Deux tréteaux et une planche sur laquelle nous installions notre récolte, Un seul brin entouré de feuilles suffisait et nous ne devions pas être trop gourmands car la concurrence était rude. Certains plus imaginatifs avaient repiqué les brins dans des pots, mais je ne suis pas sûre que les racines y étaient.


Je ne veux pas de ce muguet inodore cultivé sous serre à la seule fin d'être vendu le premier mai dans les grandes surfaces et chez les fleuristes patentés. Le bonheur, on a tous les jours de l'année pour se le souhaiter et quant au muguet, je vais en planter dans mon jardin et je le regarderai pousser.